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"La transition énergétique doit respecter les besoins de mobilité de tous"

Marie-Hélène Massot, socio-économiste, directrice adjointe au Laboratoire ville, mobilité, transport, UMR Université Paris-Est Marne-la-Vallée/École des ponts ParisTech/Ifsttar, affirme que la contrainte énergétique est maitrisable sans nécessairement réduire la mobilité des personnes.

Quels sont les enjeux de la transition énergétique en termes de mobilité ?

Marie-Hélène Massot : Il s’agit avant tout de réduire la dépendance écrasante des transports au pétrole, dont le prix restera à la hausse. Leur part relative dans la consommation finale de pétrole en France a plus que doublé depuis 1973 alors que les émissions de CO2 du secteur sont quasi stables malgré l’accroissement du parc automobile : poussés par les normes, les constructeurs adaptent les moteurs thermiques. Au-delà, les solutions alternatives au pétrole existent (biocarburants de seconde génération, voitures ou 2 et 3 roues électriques) même si elles restent coûteuses ou à développer. La réduction de la vulnérabilité énergétique est l’Enjeu du secteur des transports.

Qu’entendez-vous par « vulnérabilité énergétique » ?

M.-H. M. : C’est la vulnérabilité des ménages qui dépendent de la voiture, donc du pétrole, notamment pour rejoindre leur lieu de travail. Face à un budget transport qui ne cesse d’augmenter, certains en sont réduits à ne plus se chauffer pour ne pas perdre leur emploi, d’autres à ne plus se déplacer. Les ménages à bas revenus et vivant dans les espaces peu denses sont les plus touchés. Du fait de l’étalement urbain, environ 65 % des distances parcourues au quotidien le sont dans les périphéries des pôles urbains, majoritairement en voiture. Et ces flux augmentent fortement. Les politiques publiques de transport concernent surtout centre-ville et banlieues.

Cette vulnérabilité est-elle prise en compte ?

M.-H. M. : Très peu ou mal, car elle est mal connue. De plus une norme de mobilité locale est très difficile à définir. Or, comme la loi a défini un droit au transport en 1982, il faudrait pouvoir évaluer le droit à la mobilité car il conditionne le droit au logement, au travail, à la santé… Nous y travaillons avec l’Observatoire national de la précarité énergétique, créé en 2011 et avec Transdev pour imaginer des solutions. Elles sont nombreuses (vélos en libre-service, services d’autostop, autopartage, covoiturage, etc.) souvent portées par des associations. Pour autant aucune n’est en mesure de concurrencer la voiture individuelle, système de mobilité le plus flexible pour une majorité de personnes au niveau local.

Quelles seraient les solutions à grande échelle ?

M.-H. M. : Elles sont avant tout politiques et doivent être pensées de façon globale. Cela passe par une fiscalité harmonisée au niveau européen pour favoriser les véhicules les plus propres, associée à des politiques tarifaires solidaires. Il faut cesser de créer de l’étalement urbain en sous-tarifant les transports en commun (à 30 % de leur prix réel en France) ou en créant des liaisons hors de prix par rapport à la demande ;  penser l’aménagement urbain, notamment le logement social, en cohérence avec les transports ; cesser d’idéaliser la ville dense, qui ne s’est réalisée nulle part et ne fait rêver personne.

Y-a-t-il des expérimentations exemplaires ?

M.-H. M. : Oui, basées sur des services de mobilité et la solidarité. A plus grande échelle aussi, comme la ville de Vannes qui a augmenté le service et réduit les coûts en hiérarchisant son réseau de transports en commun et en mutualisant les moyens, par exemple pour faire bénéficier des cars scolaires aux personnes âgées. Les transformations seront lentes mais sont possibles.

Référence : Mobilité urbaine, Territoires et nouveaux biomes, date et Mobilité, une contrainte énergétique exigeante mais surmontable, Revue Tech 216 (numéro spécial Quelle mobilité en 2030 ? ), 2012.

 

 

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